20/12/2011

Coupe-faim: le scandale de la «filière belge» de Servier | Mediapart

Coupe-faim: le scandale de la «filière belge» de Servier | Mediapart

«Cette histoire a détruit ma vie, dit Jean Malak, médecin généraliste à Binche, Hainaut, dans la région wallonne de la Belgique. C'est comme si dix personnes étaient tuées dans un accident de la route et qu'on vous accusait simplement parce que votre voiture est passée par là

Dans le bureau de Jean Malak, de grosses boîtes d'archives s'amoncellent près d'une photocopieuse. Bourrées de documents relatifs à l'affaire qui obsède le médecin depuis bientôt vingt ans : le «scandale des plantes chinoises», survenu au début des années 1990. En pleine vogue des médecines douces, Jean Malak avait monté avec sa compagne une société, GDM, qui importait ces plantes médicinales et les distribuait dans toute la Belgique.

En 1992, GDM est florissante, quand le ciel tombe sur la tête de l'entreprenant médecin : une soudaine épidémie d'insuffisance rénale envoie des dizaines de patientes bruxelloises à l'hôpital. Jeunes, jusque-là en bonne santé, elles doivent être placées sous dialyse ; or, elles ont toutes reçu un «cocktail amincissant» contenant, entre autres substances, des extraits de plantes vendus par la société de Malak.

Plant d'Aristolochia gigantea Plant d'Aristolochia gigantea© Kurt Stüber

Tempête médiatique, plaintes, dix-huit ans de procédure... En décembre 2010, un jugement de la cour d'appel de Bruxelles finit par innocenter les plantes chinoises. Entre-temps, GDM a fait faillite. Et Malak a appris à ses dépens qu'un scandale, comme un train, peut en cacher un autre...

Car l'affaire des plantes chinoises n'a pas seulement empoisonné la vie de femmes qui cherchaient à maigrir. Elle a fourni une diversion qui a permis d'occulter pendant plusieurs années un scandale bien plus grave : celui de l'Isoméride, coupe-faim des laboratoires Servier utilisé dans tous les cocktails amincissants.

Dès 1991, une cardiologue de Bruxelles, Mariane Ewalenko, avait observé des cas de valvulopathies associées à l'Isoméride. Mais le tapage autour des plantes chinoises et la complaisance de certains experts ont empêché que cette découverte cruciale reçoive l'écho qu'elle justifiait.

Les valvulopathies, dysfonctionnements des valves du cœur, constituent la pathologie qui a conduit au retrait du Mediator en 2009. C'est aussi après la découverte, en 1997, de cas de valvulopathies qu'aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a interdit l'Isoméride et le Ponderal, un autre coupe-faim de Servier à la formule presque identique. Vendu en France et en Belgique dès les années 1980, l'Isoméride n'était commercialisé aux Etats-Unis que depuis le début 1996. Son interdiction outre-Atlantique a été suivie d'un retrait mondial des coupe-faim de Servier (mais non du Mediator).

Le député socialiste Gérard Bapt, qui a présidé la mission d'information sur le Mediator de l'Assemblée nationale, a enquêté sur l'affaire belge de l'Isoméride, qui préfigure le scandale français (voir aussi l'onglet Prolonger). Si Mariane Ewalenko avait été entendue, estime Bapt, l'Isoméride n'aurait jamais été commercialisé outre-Atlantique et aurait disparu des pharmacies bien avant 1997. «Ce sont des dizaines de milliers de victimes, aux Etats-Unis et en Europe, qui auraient pu bénéficier de la prise en considération de l'alerte sur les valvulopathies», juge le député.

Les molécules actives de l'Isoméride et du Pondéral sont les fenfluramines, qui sont très proches du benfluorex, la molécule du Mediator. C'est uniquement parce que Servier a vendu le Mediator comme un traitement anti-diabétique qu'il a connu un destin différent. Chimiquement, les trois produits sont similaires et ont les mêmes effets indésirables. En dehors des valvulopathies, ils sont associés à un risque d'hypertension artérielle pulmonaire, maladie des poumons gravissime. Ce risque a été identifié en 1991 par l'équipe de pneumologie de l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart.

Le « facteur causal précis » des néphropathies

C'est la même année que Mariane Ewalenko diagnostique des insuffisances de la valve aortique chez deux patientes de moins de 50 ans, sans antécédents cardiaques. Toutes deux ont pris des cocktails amincissants qui associent Isoméride et Pondéral (le Mediator, lui, n'est pas vendu en Belgique). Entre 1991 et 1994, la cardiologue diagnostique sept valvulopathies associées aux fenfluramines. La sixième patiente, examinée le 1er avril 1993, a pris de l'Isoméride seul pendant dix-huit mois.

«C'est grâce à cette patiente que les pièces du puzzle ont semblé se mettre en place », dira Mariane Ewalenko lors d'un témoignage devant la justice américaine en 1999, dans le cadre d'une action intentée par les victimes de l'Isoméride.

Phonocardiogramme d'insuffisance valvulaire Phonocardiogramme d'insuffisance valvulaire© Madhero88

Sauf qu'en 1993, le puzzle ne se met pas en place. Le scandale des herbes chinoises occupe l'attention des médias et des médecins. Début 1992, le professeur Jean-Louis Vanherweghem, néphrologue à l'hôpital Erasme de Bruxelles, examine une patiente d'une quarantaine d'années atteinte d'une néphrite fibrosante interstitielle. Ses reins ne fonctionnent plus. Elle doit être placée sous dialyse.

En août, Mariane Ewalenko reçoit une autre jeune femme, qui souffre à la fois de problèmes rénaux et de valvulopathie. Elle a consommé un cocktail amincissant contenant des fenfluramines et des plantes chinoises.

Bientôt, des dizaines de cas similaires apparaissent. Toutes les patientes ont moins de 40 ans, pas d'antécédents rénaux, et ont reçu un cocktail amincissant administré dans le cabinet médical du docteur Taquet, à Uccle, banlieue chic de Bruxelles.

L'affaire fait grand bruit. Le professeur Vanherweghem met en cause les plantes chinoises, même si les deux espèces incriminées n'ont pas d'effet connu sur les reins. L'hypothèse avancée est qu'une substitution malencontreuse s'est opérée : au lieu des inoffensives Stephania tetrandra et Magniolia officinalis, les patientes auraient reçu un extrait d'Aristolochia, contenant de l'acide aristolochique, toxique pour les reins.

L'ennui, c'est qu'aucune preuve solide n'établit que les victimes ont reçu des doses toxiques d'acide aristolochique. Bizarrerie supplémentaire, seules les patientes traitées dans le cabinet d'Uccle entre mai 1990 et juillet 1991 sont tombées malades. Jean Malak rage de porter le chapeau, alors que d'autres hypothèses plus plausibles, comme l'utilisation d'un produit injecté en mésothérapie aux patientes d'Uccle, ont été écartées. Mais le train est lancé. Une première plainte est déposée le 6 octobre 1992. Le 15, le gouvernement belge interdit l'importation de deux plantes suspectes. Le 11 janvier 1993, la société de Malak fait faillite.

En février 1993, le professeur Vanherweghem publie dans la célèbre revue médicale The Lancet un article qui met en cause les plantes chinoises, tout en admettant qu'on ne peut «identifier le facteur causal précis de cette série de cas de néphrites».

Les objections de Malak sont disqualifiées par Vanherweghem : étant impliqué dans le commerce des plantes chinoises, le médecin de Binche ne peut pas être objectif, juge le professeur. Même sans ce handicap, Malak aurait du mal à s'opposer à Vanherweghem, personnage-clé de la médecine et de la recherche belge.

Chef du service de néphrologie de l'hôpital Erasme de Bruxelles, Vanherweghem est doyen de la Faculté de médecine depuis 1989, et a été directeur de cabinet du ministre de la santé ; il devient recteur de l'Université Libre de Bruxelles en 1994 et préside le Fonds national de la recherche scientifique belge à partir de 1995. Plus une kyrielle d'autres activités : à titre indicatif, en 2004, Vanherweghem cumulait trente-trois mandats, fonctions et professions, dont neuf rémunérés, dans le secteur public comme dans le privé...

Cet homme occupé sait se montrer modeste, comme en témoigne une brochure sur le «Biopark Charleroi Brussels South», le pôle biotechnologie de l'Université de Bruxelles. Le professeur, présenté comme l'homme qui a façonné ce pôle depuis les années 1990, déclare : «Ma principale compétence a été de mettre ensemble les compétences des autres.»

Tout est fait pour étouffer l'affaire des fenfluramines

Ce n'est sans doute pas l'avis de Jean Malak, qui devra attendre l'arrêt définitif de la cour d'appel de Bruxelles, en décembre 2010, pour que les juges lui donnent enfin raison : «Le rôle de l'acide aristolochique dans la survenance des néphropathies litigieuses n'est pas établi à suffisance de droit», écrit la Cour.

Molécule de l'Isoméride Molécule de l'Isoméride© Harbin

Revenons à 1993. A la clinique Edith Cavell où elle travaille, Mariane Ewalenko voit affluer des patientes souffrant des reins. Sa collègue du service de dialyse, le docteur Claude Richard, découvre d'autres valvulopathies, cette fois associées à des néphropathies. Il y a donc deux problèmes entremêlés : les valvulopathies causées par les fenfluramines, et les néphrites liées au traitement administré dans le fameux cabinet d'Uccle.

Toujours en 1993, les docteurs Ewalenko et Richard sont contactées par un médecin de Servier-Belgique, le docteur Magda Opsomer. Elles lui communiquent leurs informations. Magda Opsomer s'engage à transmettre au Centre de pharmacovigilance belge les fiches concernant leurs patientes, comme le laboratoire en a l'obligation. Ces fiches – douze en tout – sont dûment complétées début 1994. A partir de ce moment, c'est le silence radio du côté de Servier.

Le 1er mars 1994, Mariane Ewalenko expose le problème des valvulopathies devant la Société belge de médecine esthétique, à laquelle sont affiliés certains des médecins impliqués dans le scandale des plantes chinoises. Jean Malak, informé de l'exposé de la cardiologue, entreprend d'ausculter systématiquement ses patientes. Il signale une valvulopathie en octobre 1994 au Centre de pharmaco-vigilance belge, et contacte aussi le groupe Servier.

Pour autant, ce n'est pas le branle-bas de combat. En décembre 1994, un responsable de la pharmacovigilance belge, le docteur Xavier Kurz, rédige un rapport succinct sur 22 valvulopathies associées aux fenfluramines, dont les 12 cas des docteurs Ewalenko et Richard. Notant que 13 des patientes ont reçu des plantes chinoises et que 10 souffrent de néphropathies, Kurz conclut: «Il n'y a aucune mesure à prendre actuellement concernant la fenfluramine.» Conclusion qui satisfait les laboratoires Servier : «Je ne pense pas que l'on pouvait espérer mieux du rapport de X. Kurz», note Francis Wagniart, responsable de la sécurité médicamenteuse du groupe.

D'après le rapport Kurz, le premier cas transmis à la pharmacovigilance belge est celui de Malak en octobre 1994. Magda Opsomer n'a pas communiqué les douze fiches au Centre de pharmacovigilance. Elle a envoyé les informations au docteur Wagniart, qui les a gardées sous le coude jusqu'au moment où Kurtz a rédigé son rapport fin 1994.

En somme, tout est fait pour étouffer l'affaire des fenfluramines. Ne désarmant pas, Mariane Ewalenko entreprend, avec sa collègue Claude Richard, de publier un article sur l'association fenfluramines-valvulopathies. Les deux femmes sollicitent le professeur Vanherweghem, qui a ses entrées dans les grands journaux médicaux. Mais le projet n'aboutit pas : «Le docteur Richard et moi-même sommes allées voir Vanderweghem avec nos dossiers (patientes avec et sans plantes chinoises), raconte Mariane Ewalenko. Visiblement il ne nous a pas prises au sérieux et a préféré publier des âneries, il était tellement sûr de son fait... »

Dans ses articles sur la «néphropathie aux plantes chinoises», le prolixe Vanherweghem se montre étonnamment discret à propos des valvulopathies. Il les ignore dans la publication de 1993 au Lancet (voir plus haut). En 1995, il publie un autre article, «Le tragique paradigme des néphropathies aux plantes chinoises» («The tragic paradigm of Chinese herbs nephropathy», Nephrology Dialysis Transplantation). Il évoque La Bruyère, Socrate et Sherlock Holmes, agite l'hypothèse de l'acide aristolochique, sans formuler de conclusion claire sur la cause de la tragédie...

Cet article plus littéraire que scientifique contient une information cruciale sur laquelle le professeur ne s'attarde pas : un tiers des 80 femmes qui ont eu des néphropathies ont aussi été atteintes de valvulopathies aortiques !

Commentaire de Mariane Ewalenko : «Le professeur Vanherweghem a utilisé une formulation ambiguë qui pouvait donner l'impression que les plantes chinoises et non les fenfluramines étaient la cause des valvulopathies.»

Servier veut partir à la conquête du Nouveau Monde

Cela implique aussi que Vanherweghem n'a pas signalé à la pharmaco-vigilance les cas dont il a eu connaissance en 1994, car le total aurait alors été supérieur à 22. Au demeurant, Kurz indique que les cas ont été notifiés par un cardiologue et des médecins généralistes, et ne fait nulle mention d'un néphrologue.

Début 1995, la Commission belge des médicaments examine le rapport Kurz et conclut qu'il n'y a aucune mesure à prendre... L'alerte à propos des valvulopathies parvient tout de même au CSP (Comité des spécialités pharmaceutiques) de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments. L'Agence européenne est aussi informée du risque d'hypertension pulmonaire découvert par l'équipe d'Antoine-Béclère. Deux pathologies graves dont chacune suffirait pour qu'on demande le retrait du produit, ou au moins sa suspension. Que se passe-t-il ? Il s'engage une longue discussion bureaucratique qui aboutira à ne rien faire...

Jean-Michel Alexandre. Jean-Michel Alexandre.© (dr)

Sans exonérer l'Agence européenne de ses responsabilités, on soulignera que les débats ont été fortement influencés par le professeur Jean-Michel Alexandre, responsable de l'évaluation des médicaments et soutien constant de Servier (voir notre article «Alexandre le malheureux»), dont il est aujourd'hui un consultant bien rémunéré (selon une information du Figaro, Alexandre aurait reçu, entre 2001 et 2009, près de 1,2 million d'euros des laboratoires Servier).

Les talents du professeur Alexandre s'illustrent notamment lorsqu'en mai 1995, Jean Malak lui adresse une lettre pour l'alerter sur les risques de l'Isoméride, écrivant que le produit «devrait être retiré sans délai du marché». La réponse d'Alexandre, datée du 12 juin 1995, est sublime de concision: «Monsieur et cher collègue, merci de m'avoir fait parvenir des données scientifiques sur les anorexigènes. Elles permettent de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques sous-jacents à la survenue des hypertensions pulmonaires.»

Débarrassé des soucis européens, le groupe Servier a les coudées franches pour partir à la conquête du Nouveau Monde. Car, en 1995, Jacques Servier rêve de faire de son Isoméride un «blockbuster», un best-seller pharmaceutique susceptible de générer un chiffre d'affaires de plus d'un milliard de dollars.

Cela passe par une commercialisation aux Etats-Unis, le premier marché mondial des médicaments, en particulier pour les anorexigènes, du fait de l'épidémie d'obésité qui sévit en Amérique du Nord. A cette fin, Servier s'est associé avec le groupe américain Wyeth.

La FDA américaine n'est pas informée du problème des valvulopathies belges. En revanche, elle est au courant des hypertensions pulmonaires, à propos desquelles le groupe Servier a chargé le professeur Lucien Abenhaim, chercheur à l'université canadienne McGill (et futur directeur général de la santé), de mener une enquête épidémiologique. Cette enquête est appelée IPPHS («International Primary Pulmonary Hypertension study»). Les résultats préliminaires, connus en mars 1995, confirment que les fenfluramines provoquent des hypertensions pulmonaires.

Malgré ce risque, le comité compétent de la FDA vote de justesse, fin 1995, en faveur de la commercialisation de l'Isoméride (rebaptisé Redux). Le comité justifie son choix par l'argument selon lequel l'épidémie d'obésité risque de causer beaucoup plus de morts que le médicament de Servier.

En vente début 1996, le Redux remporte un énorme succès commercial. Mais à l'été 1997, Heidi Connolly, de la Mayo Clinic, publie dans le New England Journal of Medicine (NEJM) un article démontrant ce que Mariane Ewalenko a observé six ans plus tôt, à savoir que des valvulopathies apparaissent en association avec la prise de fenfluramines. La FDA voit rouge. A peine un an après sa mise sur le marché, le Redux est interdit.

L'attitude des experts a retardé la connaissance de la vérité

Roger Illingworth, l'un des membres du comité de la FDA qui, en 1995, avait voté pour la commercialisation de l'Isoméride, déclarera au Wall Street Journal en 1997 que s'il avait été au courant des cas belges, il aurait probablement voté «non». Or, l'approbation était passée à une voix près...

En 1997, Mariane Ewalenko apprend avec stupéfaction que le Centre de pharmacovigilance belge, qui ne l'a jamais contactée, a recensé 43 valvulopathies associées aux fenfluramines ! Kurz en fait état dans une lettre à l'éditeur du NEJM, publiée le 11 décembre 1997, après l'article de Connolly. De nouvelles patientes se sont donc ajoutées à celles de 1994 (elles ont été observées principalement par les docteurs Jean Malak, Philippe Deprez et Jean-François Adam). Au total, le nombre des cas belges en 1997 est bien supérieur à celui des cas décrits par Heidi Connolly, dont l'article a suffi à faire interdire l'Isoméride.

Le campus Erasme de l'Université libre de Bruxelles Le campus Erasme de l'Université libre de Bruxelles© DR

«La première fois que j'ai entendu parler du docteur Kurz, c'est en lisant sa lettre à l'éditeur du NEJM en décembre 97, raconte Mariane Ewalenko. Le docteur Richard et moi-même lui avons demandé des explications et il nous a donné les arguments développés dans son fameux rapport confidentiel de 1994 que je n'ai lu que récemment grâce à Gérard Bapt. Nous ignorions tout des tenants et aboutissants de l'histoire à l'époque. Je suis profondément choquée que cela ait été totalement étouffé en France et en Belgique.»

Pour le docteur Ewalenko, il est certain que l'attitude des docteurs Kurz et Vanherweghem a retardé la divulgation de la vérité.

Détail frappant : Xavier Kurz n'avait commencé à travailler pour le Centre de pharmacovigilance belge qu'en juillet 1994. A-t-il été «parachuté» par Servier ? Parallèlement, Kurz était expert à l'Agence européenne à partir de septembre 1995. Il travaillait aussi sur l'IPPHS : le professeur Abenhaim l'avait chargé de superviser la branche belge de l'étude. A la même époque, Abenhaim et Kurz s'occupaient également d'une autre étude financée par Servier, et sans rapport avec l'IPPHS, l'étude «Veines», destinée à analyser le problème de l'insuffisance veineuse.

Selon Gérard Bapt, Kurz «attend septembre 1997 pour présenter au groupe de travail pharmacovigilance du CSP les cas de valvulopathies associées à l'Isoméride rapportés en Belgique depuis 1993. Comment se fait-il qu'il n'en ait pas informé plus tôt le professeur Abenhaim ? » (extrait d'une lettre de Gérard Bapt à Xavier de Cuyper, administrateur de l'Agence fédérale des médicaments de Bruxelles).

Pour Gérard Bapt, il ne fait pas de doute que si Kurz avait alerté les différents systèmes nationaux de pharmacovigilance, cela «aurait pu éviter la mise sur le marché aux Etats-Unis du Redux et aurait permis de hâter le retrait sur l'ensemble des marchés européens».

Jean-Louis Vanherweghem pouvait, lui aussi, lancer l'alerte. Etant donné son influence, il aurait été entendu. Gérard Bapt lui a écrit pour lui demander pourquoi il s'est «opposé avec tant de constance… à la prise en considération des alertes de valvulopathie sous Isoméride». Sans obtenir de réponse très éclairante.

Pourquoi le professeur a-t-il préféré poursuivre ses élucubrations sur les herbes chinoises ? Sans prétendre connaître la réponse, on notera que, de 1999 à 2008, Vanherweghem siégeait au conseil d'administration de la société biopharmaceutique UCB-SA, laquelle avait de longue date des relations stratégiques avec Wyeth, le partenaire de Servier aux Etats-Unis. Le professeur a aussi été administrateur de la société de bioproduction Henogen-SA, autre partenaire de Wyeth. Et il a été membre du Conseil de direction de la Région de Bruxelles de la banque Fortis, laquelle se trouve être la banque de Henogen et UCB.

D'après un document d'UCB, chaque administrateur a touché, jusqu'à 2008, la somme de 39.000 € par an (Vanherweghem, qui s'est retiré du conseil d'administration fin avril 2008, a reçu 15.000 € pour cette année).

Cela n'a pas de rapport direct avec les problèmes de Servier entre 1993 et 1997. Mais Vanherweghem aurait-il bénéficié des mêmes jetons de présence s'il avait averti la communauté médicale des risques des fenfluramines, au risque d'entrer en conflit avec Servier et Wyeth? De ce point de vue, il était plus urgent de disserter sur les plantes chinoises que de lancer l'alerte aux valvulopathies.

Voir aussi sous l'onglet Prolonger.

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